Fonction publique : les raisons de la colère

, par udfo09

SERVICE PUBLIC Fonction publique : les raisons de la colère VENDREDI 19 OCTOBRE 2018 ALAIN ROUSSENNAC

Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager par mail Imprimer Agrandir le texte Réduire le texte

Le profond malaise des fonctionnaires s’accentue au fil des ans sous l’effet conjugué du désengagement de l’État, de l’abandon ou de la privatisation des missions et des attaques sans précédent contre le statut de la fonction publique, dévoilées dans le rapport CAP 22.

L es cris d’alarme n’ont toujours pas été entendus semble-t-il par le gouvernement, qui poursuit sa politique de destruction massive d’emplois publics avec la suppression nette de 8 396 postes dans le cadre du projet de loi de finances 2019 (PLF), qui n’est que le prélude d’un scénario noir avec la disparition annoncée de 120 000 emplois d’ici à 2022 dont 50 000 dans la seule fonction publique de l’État.

Depuis 2007, les gouvernements successifs ont multiplié les attaques sur les 5,4 millions de fonctionnaires des trois versants de la fonction publique à travers des politiques drastiques de baisse des dépenses publiques. La RGPP (Révision générale des politiques publiques) puis la MAP en 2012 (Modernisation de l’action publique) ont conduit à la suppression de 300 000 postes de fonctionnaires de 2004 à 2017. Le gouvernement Macron fait de la baisse des dépenses publiques une priorité absolue afin de mettre en œuvre une politique ultralibérale, comparable à celle menée par la dame de fer britannique dans les années 1980.

Une action publique sous le seul aspect financier À l’heure où la France, septième puissance mondiale, compte encore 14 % de concitoyens vivant en dessous du seuil de pauvreté, faut-il encore affaiblir le service public et mettre en danger la cohésion sociale et celle des territoires ?

Dénommé « CAP 22 » (Comité d’action publique 2022), un groupe d’experts a été nommé par le Premier ministre dans le but de revoir l’ensemble des missions, des politiques et dépenses publiques.

Ce comité n’a pas été mis en place pour analyser les besoins des usagers ou les missions de service public, mais pour définir une action publique plus efficiente sous l’angle financier, avec comme engagement principal de réduire de 3 points la part de la dépense publique dans le PIB d’ici à 2022. Ce rapport a été rendu public par voie de presse en juillet 2018.

À l’heure où les politiques parlent constamment de légiférer sur la moralisation de la vie publique et les conflits d’intérêts, est-il judicieux d’avoir recours à des représentants de grands groupes privés pour l’élaboration des politiques publiques ? FO constate que les personnalités ou organismes consultés (Ernst and Young, des directeurs de grands groupes comme Danone, Bouygues, BNP…) ne représentent pas l’intérêt général mais des intérêts privés.

Pour Force Ouvrière, le service public ne peut se résumer à une vision comptable, il doit être préservé des velléités des marchés et les besoins essentiels doivent être reconnus comme un droit fondamental, inaliénable et opposable.

Transformer la fonction publique avec un recours aux contractuels, développer la mobilité et la rémunération au mérite des fonctionnaires et créer des plans de départs volontaires à la suite de l’abandon de missions ou de suppressions de postes demeure l’objectif central de la nouvelle politique publique de ce gouvernement. Casser le statut, introduire la rémunération individuelle au mérite, externaliser des missions, tout cela s’inscrit dans la même démarche pour respecter les critères de convergence de l’Union européenne et les revendications du Medef.

En recrutant des contractuels (actuellement 970 000 dans la fonction publique) le gouvernement va accentuer la précarité. Le comité CAP 22 propose notamment d’augmenter le recours aux contractuels pour certaines missions afin de mieux piloter la masse salariale et de réduire le nombre de fonctionnaires sous statut. La création d’agences ou d’opérateurs est également au programme pour les missions de contrôle des ministères économiques et financiers (DGFIP, douanes, DGCCRF) et le recouvrement des impôts et taxes, pour ne citer que quelques exemples de démantèlement des services publics.

Force Ouvrière exige le maintien du statut de la fonction publique et des statuts particuliers, ainsi que la titularisation de tous les contractuels. Pour FO les propositions de CAP 22 n’ont qu’un but : mettre fin au modèle social français en enlevant les financements nécessaires aux services publics pour laisser la part libre aux lois du marché et au nouveau monde du chacun pour soi.

Deuxième grand point d’échauffement avec les fonctionnaires, le gel du point d’indice depuis 2000 et une perte de pouvoir d’achat évaluée à 16 % par Force Ouvrière. Selon l’Insee, 40 % des fonctionnaires ont déjà subi une baisse de salaire net à la suite du gel du point d’indice et de l’augmentation de la cotisation retraite.

Enfin, la prochaine réforme de la retraite par points va concerner tous les fonctionnaires et le calcul des pensions sur l’ensemble de la carrière au lieu des six derniers mois va fatalement conduire à une baisse généralisée des pensions. De surcroît, l’allongement des carrières prévu par le PPCR et le système de la décote pénaliseront de nombreux agents aux carrières incomplètes.